Lettre économique mensuelle
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Lire plusLes conséquences économiques des tarifs… jusqu’à présent
L’imposition et la suspension de tarifs douaniers fait encore planer beaucoup d’incertitude. Mais une chose est sûre : cette valse-hésitation, marquée par d’incessantes discussions avec l’administration américaine, a des impacts sur les économies des deux côtés de la frontière canado-américaine.
L’évolution des tarifs demeure imprévisible et il est donc impossible de déterminer avec certitude l’ampleur du ralentissement économique qui s’annonce pour 2025.
Nous estimons néanmoins que la mise en place de tarifs ferait reculer le PIB réel canadien de 1% au cours de l’année. Sans tarifs, le niveau d’incertitude tempérera tout de même les gains économiques à 1,2 % - soit encore sous le potentiel. À n’en pas douter, tarifs ou non, l’instabilité commerciale a déjà des effets économiques bien réels.
Impact no 1 : Ralentissement de l’économie américaine
Les États-Unis pourraient subir un repli du PIB réel de -2,4% au premier trimestre de l’année, selon les dernières estimations économiques. L’augmentation attendue de l’investissement privé (+4,8 %) ne sera vraisemblablement pas suffisante pour compenser pleinement le ralentissement de la consommation qui devrait s’avérer neutre (+0,4 %).
La Réserve fédérale américaine doit pour sa part encore jongler avec une inflation au-dessus de la cible et un marché du travail tendu. Le taux des fonds fédéraux s’est donc maintenu dans la fourchette de 4,25-4,50 %, lors de la première annonce de 2025.
Là où le bât blesse, c’est au niveau de la balance commerciale. Les entreprises américaines semblent en effet avoir augmenté leurs commandes afin de profiter d’un inventaire exempt de tarifs.
Ainsi, le fameux adage « quand les États-Unis toussent, le Canada attrape la grippe » ne devrait pas s’appliquer au premier trimestre de 2025. On s’attend donc plutôt à ce que les exportations de marchandises canadiennes aient augmentés et soutiennent la croissance, puisque les importations sont déduites du PIB. Après une hausse de 6,0 % en décembre, les exportations totales ont augmenté de 5,5 % en janvier pour atteindre un record de 74,5 milliards de dollars. Rappelons que les exportations représentent 19 % du PIB canadien et que 77 % de la marchandise exportée du pays est dirigée vers les États-Unis.
Impact no 2 : Les entreprises canadiennes resteront en hibernation
Les entreprises, face à l'incertitude, ont tendance à retarder ou réduire leurs investissements. Elles peuvent également adopter des stratégies de réduction des coûts, telles que le gel des embauches ou la réduction des dépenses en recherche et développement.
Or, considérant le contexte d’affaires changeant, on s’attend à ce que ce soit effectivement le cas et que les investissements des entreprises canadiennes restent modestes, voire en recul.
Selon un sondage BDC, réalisé auprès des dirigeants d’entreprise en janvier dernier, plusieurs PME ont entamé 2025 avec une meilleure situation financière qu’en 2024. Toutefois, l’incertitude économique et la mauvaise perception des conditions économiques pour l’année à venir amènent plusieurs entreprises à mettre leurs projets sur la glace. En conséquence, à peine 45 % des PME prévoient investir dans la prochaine année alors que cette proportion atteignait 54 % en octobre, soit à peine trois mois plus tôt. Cette baisse des intentions d'investissement touche les trois grandes catégories analysées par BDC : immeubles non résidentiels (recul de 5 points par rapport à octobre), machinerie et équipement (-8 points), et biens intangibles (-6 points). Le climat des affaires et l'économie en général seront des facteurs décisifs pour une PME sur cinq.
Impact no 3 : La consommation, moteur de la croissance, passe en vitesse inférieure
Un mouvement de prudence prend aussi d’assaut les consommateurs. Il affecte notamment les secteurs des services et résidentiel, même s’ils ne sont pas directement visés par des droits de douanes. En période d’incertitude ou de ralentissement économique, et par crainte de licenciement, les salariés ont tendance à dépenser moins et à épargner davantage.
Selon notre plus récent sondage auprès des consommateurs canadiens, 93 % des ménages se disent inquiets des menaces tarifaires et 45 % s’attendent à réduire leurs dépenses cette année par rapport à l’année dernière.
La diminution de la consommation se fait typiquement davantage sentir dans les industries liées à la consommation discrétionnaire, et ce devrait encore être le cas lors de ce ralentissement.
Il s’agit de secteurs qui fluctuent davantage avec les perturbations de l’économie puisqu’ils sont davantage à la merci de produits de substitution. On y retrouve entre autres les détaillants de biens de consommation durables, de vêtements et les services aux consommateurs comme les hôtels, les loisirs et les restaurants.
À quoi s’attendre maintenant?
La bonne nouvelle, c’est que la Banque du Canada détient la marge de manœuvre nécessaire pour soutenir l’économie et, espérons-le, atténuer le ralentissement créé par cette incertitude. L’inflation est maîtrisée au pays depuis plusieurs mois déjà et le taux directeur, à 2,75 %, se trouve encore à ce jour en zone restrictive. La banque centrale canadienne devrait donc poursuivre son assouplissement des conditions de crédit et abaisser son taux directeur davantage pendant l’année, sans craindre de retour de l’inflation.
La volonté de diminuer les barrières commerciales entre les provinces et la fibre nationaliste de consommation devraient aussi aider à compenser en partie l’impact des tarifs douaniers. Encore là, ce n’est pas juste un sentiment alors que nos données démontrent que 9 personnes sur 10 prévoient agir en réaction aux tarifs américains. Par exemple, les deux-tiers (63%) de la population canadienne prévoient acheter davantage de produits locaux et faits au Canada et presque autant réduiront leurs achats de produits américains.
La récente faiblesse du dollar canadien par rapport au billet vert s'est poursuivie avec les menaces de droits de douane. Le dollar canadien continuera de subir les contrecoups de l’incertitude, puisque la demande se déplace encore vers des actifs de premier ordre dont le dollar américain. Le dollar canadien devrait se maintenir entre 0,68 et 0,70 $US au cours du premier trimestre de 2025. À de tels niveaux, la devise rend l’achat local plus compétitif par rapport aux importations américaines.
L’impact pour votre entreprise
- Pour les entrepreneurs, cela signifie naviguer dans un paysage incertain où les tarifs peuvent encore changer, ce qui aura un impact non seulement sur les coûts et les chaînes d’approvisionnement, mais aussi sur le climat économique général. Les entrepreneurs doivent rester informés et agiles, prêts à s'adapter aux nouvelles politiques commerciales et conditions économiques. Et surtout, ne pas céder à la panique.
- Les périodes économiques instables entraînent généralement un resserrement du crédit bancaire. Les entrepreneurs doivent se préparer à d'éventuelles difficultés à obtenir du financement et peuvent être amenés à adapter leurs plans financiers en conséquence. Il importe aussi de déterminer une stratégie optimale de ressources humaines à court, moyen et long terme.
- Toutes les entreprises seront touchées, mais la sévérité de la situation variera selon la durée des menaces ou des tarifs et l’industrie dans laquelle vous opérez. Envisagez des stratégies visant à maintenir l'engagement et la fidélité de vos clients, que vous soyez en mode B2C ou B2B. Vous pouvez également tirer parti du nouvel engouement national en promouvant vos produits et services fabriqués ici.
La résilience de l'économie canadienne surprend encore
Le conflit commercial avec l’administration américaine n’a pas empêché l’économie canadienne de commencer l’année sur une note positive, selon les estimations de Statistique Canada. Après avoir fait preuve d’une résilience remarquable en 2024, l'économie canadienne pourrait à nouveau profiter de certains facteurs susceptibles de soutenir sa croissance en ce début d’année. Et ce, malgré les fortes turbulences et incertitudes actuelles.
Une fin d’année inespérée
L’économie du pays a commencé 2025 sur de bonnes bases. En effet, le PIB a augmenté à un taux annualisé de 2,4 % au cours du quatrième trimestre de 2024. Le troisième trimestre a pour sa part été révisé à la hausse à 2,2 %, une amélioration significative par rapport à l’estimation initiale de 1,0 %. Ce rendement, portant ainsi à 1,5 % l’augmentation du PIB l’an dernier, s’est avéré supérieur aux prévisions de la Banque du Canada.
Sans grande surprise, l’activité économique a été stimulée par d’importantes dépenses de consommation des ménages, fruit de l’assouplissement de la politique monétaire. Le taux directeur canadien est passé de 5,0 % en mai 2024 à 3,25 % en décembre, soit une baisse de 175 points en six mois. Les dépenses des ménages et les investissements résidentiels ont respectivement augmenté au rythme annualisé de 5,6 % et de 16,7 %, au quatrième trimestre de 2024, enregistrant ainsi la plus forte croissance depuis mars 2022.
L’investissement des entreprises est cependant resté timide face à l’incertitude économique, malgré la demande renouvelée pour les biens et services en fin d’année et la baisse des taux. Après avoir repris de la vigueur au dernier trimestre, ces investissements ont toutefois reculé de 1,8 % pour l’ensemble de 2024, par rapport à 2023.
L’élan de fin d’année, marqué par un bon rythme en décembre (+0,2 %) s’est poursuivi en janvier 2025 avec une croissance estimée à 0,3 %, selon Statistique Canada. On s’attend à ce que les exportations contribuent positivement au PIB au début de l’année, alors que les entreprises américaines ont renforcé leurs inventaires de produits canadiens pour éviter les tarifs.
Il importe tout de même de noter le niveau d’incertitude qui demeure élevé et les risques de ralentissement bien réels.
La reprise progressive du marché résidentiel devrait se poursuivre
L’arrivée imminente du printemps annonce habituellement la saison forte pour le marché résidentiel canadien. Les taux hypothécaires fléchissent depuis la première baisse de taux annoncée par la Banque du Canada en juin dernier et ces réductions ont rapidement soutenu la reprise du marché de la revente. D’autres baisses de taux d’intérêt sont à prévoir en 2025, ce qui devrait soutenir le dynamisme récent du marché, bien que l’incertitude puisse influencer ces perspectives.
L’inquiétude est forte chez les ménages canadiens, ce qui devrait mener les propriétaires et nouveaux acheteurs à être davantage prudent. La réduction des cibles d’immigration, annoncée l’automne dernier, contribuera aussi à atténuer la demande de logements au pays.
D’ailleurs, même si l’investissement résidentiel a connu un fort rebond au dernier trimestre de 2024, les ventes de résidences sont en baisse depuis novembre. Toutefois, il semblerait qu’une nouvelle vague d’inscription a pris d’assaut le marché canadien (+11,0 % de croissance mensuel en janvier).
D’une part, l’augmentation de l’offre devrait contribuer à rééquilibrer le marché, mais les enjeux d’abordabilité se maintiennent dans les marchés les plus dispendieux. D’ailleurs, les tendances de prix varient énormément d’un marché à l’autre, que ce soit sur une base géographique ou selon le type de résidence.
L’emploi au neutre au pays en février
La création d’emplois a été pratiquement inexistante en février, avec l’ajout de seulement 1 100 postes. On peut quand même se réjouir, dans les circonstances, alors que certains s’attendaient déjà à des pertes d’emplois liées au climat d’incertitude qui affecte fortement les entreprises canadiennes. Les mises à pied au pays n’ont d’ailleurs pas varié de manière significative jusqu’à présent.
Dans le contexte actuel d’incertitude, il s’agit même d’une performance louable pour le marché du travail canadien qui avait déjà ajouté 76 000 emplois en janvier. Le taux de chômage s’est aussi maintenu à 6,6 % alors que la population active (le bassin de travailleurs potentiels) diminue. Les salaires ont continué à augmenter au rythme de 3,8 % en février, un peu plus rapidement qu’en janvier.
L’impact pour votre entreprise
- Les vents contraires continuent de souffler sur le pays alors que l’incertitude liée aux tarifs plane toujours. Consommateurs et entreprises entrent dans une période de prudence par crainte d’un ralentissement économique. Les entreprises mettent leurs projets d’investissement et plans d’embauche en attente, alors que la consommation pourrait se montrer plus frileuse dans les prochains mois. La bonne nouvelle est que l’économie canadienne a continué de faire preuve de résilience et a même repris de l’élan à la fin de 2024. Cette période d’incertitude repose sur des bases solides.
- Le marché résidentiel devrait continuer à croître à un bon rythme au Canada, bien que plus faiblement que prévu avant le conflit commercial. Les entreprises liées à ce secteur devraient réussir à tirer leur épingle du jeu.
- Le marché du travail canadien n’a pas été trop affecté par le conflit commercial jusqu’à présent, ce qui devrait modérer les craintes de récession. La rémunération continue de croître, l’inflation est bien ancrée à sa cible de 2,0 %, les taux d’intérêt diminuent et l’épargne reste élevée. Les ménages canadiens se montreront plus prudents dans leurs dépenses, mais ils sont en bonne posture pour soutenir l’économie une fois la situation stabilisée.
Colombie-Britannique: la reprise pourrait être retardée
L’année 2024 a été difficile mais la période de taux d'intérêt élevés touche à sa fin. La politique monétaire se rapproche en effet des taux neutres, offrant ainsi un soulagement significatif à la Colombie-Britannique. Cependant, le climat d’incertitude pose de nouveaux défis à la province.
Alors que la baisse des taux continuera à jouer en faveur des Britanno-Colombiens, les tensions commerciales actuelles causent déjà des dommages. L’impact des tarifs, bien que ces menaces ne se soient pas encore concrétisées, dépendra de leur durée et de leur ampleur et la Colombie-Britannique pourrait être confrontée à une légère récession.
Cependant, tous les secteurs ne seront pas touchés de la même manière, alors que ceux du tourisme et de l'énergie seraient alors moins moins désavantagés.
Le fardeau de la dette des ménages s'allège, mais la confiance s'effrite
La solidité du marché du travail, marquée par des gains salariaux, a atténué le choc subi par les consommateurs pendant la période de taux d'intérêt élevés de la dernière année. Les ménages, confrontés à des paiements hypothécaires nettement plus élevés, ont néanmoins adopté une attitude prudente et réduit leurs dépenses en conséquence.
Lorsque l'inflation s'est ancrée autour de la cible de 2 %, amenant la Banque du Canada à réduire ses taux au second semestre de 2024, les Britanno-Colombiens ont montré des signes de soulagement et augmenté leurs dépenses.
Cela dit, l'incertitude a pris le devant de la scène depuis le début de l'année et l'impact potentiel des tensions commerciales entre le Canada et les États-Unis ébranlent déjà la confiance des consommateurs. Une période d’incertitude prolongée limitera la croissance des dépenses en 2025.
Le marché de l'immobilier coincé entre deux forces opposées
Les ventes de logements ont rapidement réagi à la baisse des taux d'intérêt au second semestre 2024, mais l'incertitude accrue freine l'activité en ce début d'année.
L'issue des négociations commerciales est imprévisible, ce qui limitera l'investissement résidentiel ainsi que tout rebond prévu des ventes de logements.
Des risques, mais une province moins dépendante des États-Unis
Les tensions commerciales suscitent des inquiétudes dans tous les secteurs et freinent les intentions d'investissement des entreprises qui font face à différentes perspectives en matière d’exportation.
Par exemple, les produits forestiers pourraient être touchés par des droits de douane de 25 %, tandis que les produits énergétiques pourraient être soumis à un taux inférieur de 10 %.
Cependant, compte tenu de l’entrée en service du gazoduc GNL au cours de l’été, nous pensons que la production de gaz continuera à augmenter et permettra à la province de bénéficier de revenus plus élevés.
Il importe de noter que la province dépend moins des États-Unis que le reste du Canada : 53 % des exportations de la Colombie-Britannique sont expédiées vers les États-Unis, contre une moyenne nationale de 77 %. En outre, son exposition indirecte aux droits de douane américains sur la Chine est moins préoccupante compte tenu du plan de relance chinois à venir. Par ailleurs, la province pourrait attirer davantage de touristes en provenance des États-Unis, profitant de la baisse du huard et de la volonté d’un plus grand nombre de Canadiens de passer leurs vacances au pays plutôt qu'à l'étranger
L'impact sur votre entreprise
- La baisse des taux d'intérêt réduit les coûts d'emprunt : il est temps d'évaluer votre situation financière et de préparer votre entreprise à un marché volatil.
- Les consommateurs de la Colombie-Britannique seront quelque peu soulagés par la baisse des taux d'intérêt, ce qui devrait favoriser l'amélioration des fondamentaux de la consommation.
- Évaluez votre productivité et identifiez les gains rapides pour contrôler les coûts et augmenter les ventes
- Étudiez vos possibilités de diversification pour bénéficier des accords de libre-échange avec l'Union européenne et plusieurs pays d'Amérique latine et d'Asie-Pacifique.